Réaliser un journal papier ou numérique, foire aux questions

Les bénéfices d’une réalisation médiatique, pour les élèves et l’établissement, ne sont plus à démontrer. Toutefois, en fonction du type d’établissement, de votre discipline d’enseignement ou de votre expérience en la matière… Vous avez peut-être encore des interrogations. Voici les plus fréquentes et des pistes de solutions.

Journaux scolaires Médias scolaires

mercredi 24 juin 2020, par Audrey Plessis

Comment susciter l’intérêt des élèves ?

L’idée est de mettre les élèves en position de journalistes. En début de projet, il est important de leur expliquer que leur travail doit aboutir à un résultat concret. Pour être réussi, le journal, site, blog... doit être le résultat d’un travail d’équipe. Il sera présenté aux familles, sans doute publié sur Internet et peut-être présenté à un concours. En tant que journalistes, les élèves – ou quelques reporters – peuvent bénéficier d’une carte, d’un badge, chasuble ou de tout autre signe distinctif leur permettant d’être identifiés et de se déplacer plus facilement dans l’établissement. En contre-partie, ils doivent s’engager à ne pas abuser de ce « passe-droit ». Les personnels de l’établissement sont invités à jouer le jeu et signaler tout comportement « inapproprié ». En fonction de l’âge des élèves, il peut être utile de revoir avec eux les différentes fonctions au sein d’une rédaction et donc les phases de production d’un média, depuis la conférence de rédaction jusqu’à la publication en passant par les recherches, l’écriture, l’iconographie, les corrections, la mise en forme… Et, pourquoi pas, d’attribuer un rôle à chacun en faisant ou non tourner les postes au fil du temps ou des numéros.

Il convient de laisser aux élèves assez de liberté pour qu’ils puissent s’approprier leur média. En fonction des objectifs pédagogiques visés, la ligne éditoriale, la charte graphique, le choix des sujets, de leur angle ou des formats avec lesquels ils seront traités… peuvent être discutés en groupe lors des conférences de rédaction.
Ce qui n’empêche pas l’enseignant de fixer un cadre. Le « contrat » pourrait être, par exemple, que chaque élève produise au moins un article par numéro ou période donnée en variant les rubriques et les formats. Ou de rédiger le portrait d’une star mais en le rattachant à son actualité récente pour ne pas risquer d’obtenir un écrit de type « exposé » ou « article encyclopédique ».
La prise d’initiatives et l’autonomie sont aussi à encourager car c’est ainsi que la publication gagnera son identité. Certains élèves choisiront peut-être de proposer un logo réalisé sur leur logiciel de dessin préféré, d’autres de réaliser un reportage photo avec leur téléphone portable… Il n’y a pas de contre-indication à partir du moment où le format numérique des documents rendus permet de les intégrer à la publication et de les modifier si besoin.

Comment maintenir l’engagement ?

L’ambiance au sein du groupe est particulièrement importante. Les élèves doivent être motivés et dynamiques tout en étant en capacité d’accepter les critiques du professeur et de leurs camarades. Il s’agit de comprendre que ce n’est pas eux, en tant que personnes, qui sont jugés, mais uniquement leurs écrits.
Placés en position de relecteur ou correcteur, ils doivent aussi veiller à ne pas blesser, par exemple en soulignant d’abord le(s) point(s) positif(s) avant de passer au(x) « raté(s) » et de donner des conseils pour améliorer (critique argumentée et constructive). Le terme « critique » est à prendre dans le sens d’analyse, jugement, appréciation… Il peut être nécessaire de l’expliciter, notamment avec les plus jeunes.
Les échanges et retours en groupe sur ce qui fonctionne ou non et pourquoi sont précieux. Il est ainsi possible de s’appuyer sur les remarques des pairs, souvent davantage écoutés, pour accompagner au mieux.

Pour être sûr de parvenir à un résultat concret et publiable dans des délais raisonnables, il semble important de fixer des échéances en fonction d’un rétroplanning : choisir les sujets et leurs angles, proposer un plan et lister les questions en lien, trouver l’information (reportage, recherches, prises de notes...), rédiger une première version, trouver les illustrations, améliorer son texte en soignant son style journalistique, en apportant des précisions, en reformulant, en chassant les répétitions… Il semble indispensable d’exiger une trace écrite, au minimum un document de collecte avec les informations essentielles et leurs sources. Laisser quelques minutes en fin de séance pour que chaque élève ou groupe puisse faire le point sur ses avancées et ce qu’il a prévu pour la fois suivante aide à se remettre dans le bain. Il est parfois nécessaire de lancer les élèves dans l’écriture, même s’ils ont le sentiment d’avoir encore des informations à recueillir. Ils cibleront ensuite plus facilement les points qu’il leur reste à creuser pour compléter.
Exemple de suivi en 7 séances pour des articles réalisés en groupes

Le journal semble « maigre » ? Le blog ne compte qu’une demi douzaine d’articles ? Publier à la date fixée, malgré les sujets manquants, permet de récompenser les élèves qui ont respecté les délais, peut-être aussi de remotiver les retardataires qui souhaiteront voir finalisé leur article.
Prévoir, au fil de l’année, une progression pour travailler spécifiquement certains points - écriture journalistique, technique de l’interview, reportages sur le terrain, choix des illustrations… - devrait permettre de suivre les progrès du groupe au fil des publications.
Pour fidéliser ses lecteurs, il est aussi préférable de prévoir des formats plus courts mais plus fréquents. Un magazine mensuel ou trimestriel d’une douzaine de pages plutôt qu’un trente six pages une fois par an. Ou, sur un site, quelques articles chaque semaine plutôt qu’une grosse vague suivie d’une longue période d’inactivité.
Afin d’avoir un maximum de retours, valorisants pour les élèves et qui aident aussi à progresser et affiner la ligne éditoriale, il faut communiquer ! Affiches, actualité sur l’ENT, article sur le site de l’établissement, le portail du CDI, les réseaux sociaux, mise à disposition dans des lieux stratégiques... La stratégie à suivre, en terme de communication et publicité, doit être discutée en conférence de rédaction mais elle peut ensuite être confiée aux élèves les plus rapides.

Comment faire avec des élèves de niveaux hétérogènes ?

La réalisation d’un journal permet une certaine flexibilité utile pour la différenciation voire l’individualisation. Si les règles journalistiques ne changent pas, il est tout à fait possible d’adapter le niveau de difficulté en variant le sujet de l’article, sa longueur, son format, les sources ou les attendus.
Les élèves ayant de grosses difficultés rédactionnelles peuvent ainsi être mobilisés sur des textes courts : légendes, brèves, critiques (livres, films…), encadrés d’articles, ainsi que sur la réalisation de mini bandes-dessinées (strips), encarts « publicitaires » (utiles pour compléter une page ou un « cahier » dans une revue papier), jeux divers...
Les plus avancés peuvent accompagner leurs camarades (rédaction de légendes, indication des sources, relectures…), proposer des Unes, vérifier et homogénéiser la mise en page, aider aux aspects communicationnels, réaliser des encarts publicitaires, un quiz...

Comment faire sans créneau dédié ?

à la réalisation de ce média, sur un créneau dédié, avec alignement des emplois du temps des professeurs concernés. S’il s’agit d’un projet regroupant plusieurs niveaux, il peut être utile de demander au chef d’établissement de laisser une plage libre en début ou fin de journée pour le mener à bien. Certains établissements prévoient déjà cette heure banalisée sur laquelle ont lieu des ateliers et clubs. Si cela n’est pas possible, les heures peuvent être prises sur les disciplines des enseignants intéressés sachant que l’EMI est interdisciplinaire et permet de travailler de nombreuses compétences du socle. Le professeur documentaliste ou d’autres adultes de l’établissement peuvent faire partie du projet ce qui permet de travailler plus facilement en co-animation ou de former des groupes.

Sachant qu’il peut être nécessaire de demander à ce que certains élèves déjeunent à la cantine avant ou après le passage de leur classe. Par ailleurs, les élèves externes n’ont pas toujours la possibilité de rester dans l’établissement, ni de sortir/revenir en dehors des horaires d’ouverture du portail.

Quelles sources d’information utiliser ?

pour faire leurs recherches, via un moteur de recherche ou directement sur Youtube. Sans que cette première pratique soit à bannir, il peut être intéressant de faire d’abord s’interroger chacun sur son sujet et les moyens qu’il considère comme les plus efficaces pour obtenir des informations fiables, intéressantes pour les lecteurs. En fonction du sujet et de l’angle choisi, le web (mais quels types de sites ? Quelle plus-value du format vidéo ?...), les livres documentaires, les manuels scolaires, les revues d’actualité… seront plus ou moins pertinents.

Donc une fois le sujet « dégrossi », il peut être utile de repérer un « spécialiste » dont l’interview ou les citations rendront l’article plus vivant. De la même façon, des témoignages d’adultes ou camarades permettent d’incarner des questions un peu théoriques, d’apporter des éléments concrets, du quotidien, pour illustrer les idées développées. S’appuyer sur des évènements locaux, qui n’ont pas été traités dans les médias, aide à éviter les articles trop « encyclopédiques » ou « copiés-collés ». Les élèves peuvent se rendre sur les lieux, interroger divers protagonistes et ainsi se rapprocher plus facilement du style journalistique. L’actualité de la classe ou de l’établissement peut faire l’objet d’une rubrique. Sur d’autres thématiques, il faut garder en tête la notion d’angle journalistique et ne surtout pas chercher à faire le tour du sujet.

Comment illustrer ses articles ?

Ce n’est pas parce qu’un contenu est disponible sur le web et facilement téléchargeable qu’il est possible de l’utiliser. Ce point peut-être difficile à faire comprendre aux élèves qui ont souvent l’habitude de procéder ainsi. Pour l’enseignant, c’est l’opportunité d’expliquer même brièvement ce qu’est le droit d’auteur. Puis de placer les élèves eux-mêmes en position d’auteurs : souhaiteraient-ils que des internautes réutilisent leurs textes et photos, éventuellement les modifient, sans même les informer ? Certains s’offusqueront, d’autres se montreront indifférents… L’important est de comprendre que c’est à l’auteur que revient le choix de diffuser ou non son œuvre et d’autoriser ou non les copies et modifications. Certaines licences, notamment les Creatives Commons, permettent à l’auteur d’indiquer ses choix. Les œuvres placées sous de telles licences, ou celles qui sont entrées dans le domaine public, sont recensées dans des banques de ressources « libres de droits » et identifiées par la plupart des moteurs de recherche. Par prudence, il est toutefois conseillé de vérifier les mentions qui figurent à proximité de la photo, du son ou de la vidéo qui intéresse. Le moteur CC Search, quant à lui, ne propose que de tels contenus.

En savoir plus :

L’exception pédagogique ne peut généralement pas être invoquée.
En effet, elle impose que les œuvres utilisées soient l’objet de l’enseignement et que le public se limite aux « seuls utilisateurs directement concernés par l’acte d’enseignement », autrement dit les élèves concernés.

Lorsque c’est possible, le plus simple et formateur est sans aucun doute de faire réaliser les illustrations (dessins, schémas, photographies…) par les élèves. Il est alors possible de travailler autour de l’illustration et de ses objectifs sur le plan journalistique : quelle serait l’image idéale compte-tenu de la ligne éditoriale, de l’angle du sujet, du message à faire passer... ? Et s’il s’agit d’une photo, comment la réaliser, quels sont les aspects techniques et esthétiques à prendre en compte ?
Pourquoi ne pas approfondir, par la même occasion, le sujet des licences ? Choisir, de façon groupée ou individuelle, sous quelle licence publier puis, avec l’accord des représentants légaux, ajouter cette mention ou un « bouton » sur la publication numérique. « Les textes, photos, sons… de cette publication (ou de ce blog, site… au choix) sont mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons xxx...  ». A noter qu’en France, le droit moral oblige à mentionner l’auteur, même si ce dernier ne l’exige pas.

Exemple avec un bouton CC-BY
Licence Creative Commons
Ce(tte) œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution 4.0 International.

En savoir plus

Où stocker les sons, les vidéos ?

Lorsque le media existe sous format numérique, au minimum le pdf, il est possible d’ajouter des contenus complémentaires aux écrits (galeries de photos, vidéos, sons…), à l’aide d’hyperliens ou QRCodes. Mais où stocker ces différents médias ?

Cette plateforme nationale permet de stocker et partager des vidéos et des fichiers audio avec l’avantage de pouvoir retrouver tous ses contenus rapidement en choisissant judicieusement ses mots clés.

si le média est réalisé via une application de l’ENT (cahier multimédia, pages, blog…), les contenus sont automatiquement stockés sur la plateforme. Si le journal est sous format pdf, diffusé uniquement via l’ENT, il est aussi possible d’utiliser un dossier partagé sachant qu’il faudra veiller au poids des fichiers, notamment des vidéos, souvent trop « lourdes » pour être stockées ainsi. Entre photos et vidéos, les images animées ou *.gif sont une alternative.

Comment aider les élèves à se détacher de la forme ?

Il peut être utile de réexpliquer comment « naît » un article au sein des média : enquête – recherches, rédaction, relecture… Et, parallèlement, réalisation et/ou choix d’illustrations. Ensuite, seulement, vient la mise en forme, une fois le texte corrigé pour éviter d’avoir à recaler les colonnes.
Les publications en ligne offrent davantage de souplesse mais, hors correction ou mise à jour, la chaîne éditoriale fait qu’en général les journalistes n’ont pas à revenir plusieurs fois sur les articles publiés
Pour éviter que les élèves perdent du temps sur des questions de polices de caractère ou de couleurs, une astuce consiste à utiliser deux outils différents dont le premier dédié exclusivement à la rédaction.
Si le journal paraît sur un site ou un blog ou que les textes sont « coulés » dans une maquette, il est même conseillé de rédiger à part pour en garder une trace, faciliter les échanges et n’avoir ensuite plus qu’à les insérer.
L’utilisation d’un traitement de texte collaboratif peut aussi être proposée, en particulier pour les articles écrits à plusieurs.

Image d’illustration par Gerd Altmann de Pixabay

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